Dr PACO SEREME, Directeur Exécutif du CORAF/WECARD

CORAF 16 février 2016 /

En 2015, a été célébré les 10 ans de la politique agricole de la CEDEAO. En sa qualité de bras technique de la CEDEAO, le CORAF / WECARD coordonne le Programme de Productivité Agricole en Afrique de l'Ouest (PPAAO) qui vise à générer et à accélérer l'adoption de technologies améliorées dans des domaines prioritaires du secteur agricole. Dans cette interview, le Dr Paco SEREME, Directeur Exécutif du CORAF / WECARD met en évidence la contribution de l'institution à l'ECOWAP pour la transformation de l'agriculture en Afrique de l'Ouest.

 

Que retenir des 10 années de mise en œuvre de la Politique agricole commune de la CEDEAO ?

Le plus grand acquis de cette politique a été la création des conditions favorable à la promotion de l’agriculture à travers l’adoption et surtout l’harmonisation de certaines règlementations à l’exemple de celles sur les semences pour l’ensemble de la sous-région. Cela se reflète notamment dans l’un des axes majeurs du Programme de Productivité agricole en Afrique de l’Ouest piloté par le CORAF.WECARD : créer les conditions favorables pour une coopération régionale entre les acteurs dans le domaine agricole.

Aux termes de l’évaluation des 10 ans de l’ECOWAP, quelles perspectives pour 2025 ?

Le bilan des 10 ans de la Politique agricole commune de la CEDEAO tel que dressé lors de la conférence semble mitigé en termes d’engagement des décideurs en matières d’allocations budgétaire en faveur du secteur agricole. Au niveau pays, les Etats membres ont fait des efforts mais au niveau régional, le programme n’a pas bénéficié de suffisamment de ressources pour atteindre les objectifs fixés. Cela montre qu’il y a un grand défi pour les 10 prochaines années. Dans ce sens, nous avons réussis à promouvoir de bonnes pratiques sur la mobilisation des ressources endogènes au niveau des pays.De nouveaux défis sont également apparus relativement aux priorités mondiales telles que la nutrition, l’Agriculture climato-intelligente, la gestion des ressources naturelles, ainsi que l’emploi des jeunes. Et es politiques nationales et régionales prendront en compte ses nouvelles dimensions à l’horizon 2025.

Quels sont les défis de l’Afrique de l’Ouest en termes de recherche agricole et de capital humain pour une transformation de l’agriculture ?

La recherche est le parent pauvre de l’agriculture. L’accord de Maputo ratifiée par les pays et qui stipule que les pays allouent au moins de leurs budgets nationaux à l’agriculture n’est pas respecté dans la majorité des pays. Le capital humain du secteur de la recherche agricole est vieillissant. L’âge moyen des chercheurs est de 55 ans ce qui pose l’épineuse question de la relève. L’autre contrainte est la dépendance du financement du secteur de la recherche aux aides au développement des Partenaires Techniques et Financiers. D’où la réflexion du CORAF/WECARD sur un modèle de financement durable de la recherche en Afrique de l’Ouest et du Centre. Ces différents défis ont été portés à l’intention des décideurs à titre de recommandations pour une prise en compte effective dans la politique agricole régionale.

En contribution à l’ECOWAP, le Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO) développé par le CORAF/WECARD se présente aujourd’hui en modèle de financement innovant. Quels sont les principaux résultats générés par ce programme et quels sont les facteurs qui en font une réussite ?

L’objectif de départ du PPAAO est la création de conditions favorable pour la coopération régionale dans le domaine de la recherche agricole, favoriser la création et la dissémination de technologies à la demande et renforcer les capacités des institutions de recherches sur les filières prioritaires de la sous-région. La question du financement durable de la recherche est justement au coeur des activités du PPAAO où nous essayons de promouvoir des modèles de réussite de mobilisation endogène au niveau des pays. En termes de semences et matériels améliorés, le PPAAO a aussi permis de faciliter la mise en oeuvre de règlementation régionale semencière basée sur le renforcement des règlementations nationales semencières afin de permettre l’accès aux producteurs aux semences dans la sous-région. La génération et l’échange des technologies dans la sous-région est l’un des succès du PPAAO et adopter par les agriculteurs et autres bénéficiaires au sein des plateformes d’innovation. Le PPAAO a eu pour mérite de commencer par assurer la relève de la recherche en termes de renforcement de capacité du personnel de recherche. Près d’un millier de jeunes chercheurs ont été formés à ce jour. Sur le plan socio-économique à l’échelle régionale, le PPAAO a eu pour impact l’augmentation de 34% des revenus des bénéficiaires directes du projet, la réduction des périodes de soudure et une amélioration de la qualité nutritionnelle avec un apport en calories de 2777 kg calories to 2964 kg calories.

Les plateformes d’innovation ont été également célébrées lors de la conférence internationale sur l’agriculture. Pourquoi un tel concept ?

Le CORAF/WECARD a adopté le concept de la recherche agricole intégrée pour le développement (IAR4D) qui utilise les plateformes d’innovation (PI) dans les chaînes de valeur agricoles. Ce concept a le mérite de promouvoir la collaboration entre le chercheur, le vulgarisateur et le producteur et tous les autres acteurs tels que les transformateurs, les commerçants qui interviennent tout au long de la chaîne de valeur agricole. L’existence d’une plateforme à ces d’innovation permet de diagnostiquer les problèmes, explorer les opportunités et rechercher des solutions. Ces différents acteurs sociaux et économiques des plateformes d’innovation sont encouragés à mener des changements jugés souhaitables par l’amélioration de leurs aptitudes et compétences.

Quelle est la stratégie du CORAF/WECARD pour rendre accessible l’ensemble des technologies et innovations agricoles aux groupes vulnérables tels que les femmes et les jeunes ?

Les plateformes d’innovation ont pour mission entre autres la prise en compte de l’aspect genre. Ce qui permet une grande participation de femmes et des jeunes pour une meilleure prise en compte de leurs besoins. Pour rentre attractif le secteur agricole par rapport aux jeunes, le CORAF/WECARD a entamé une évaluation socio-économique des technologies et innovations agricoles générées afin de faciliter l’information des jeunes sur des opportunités et rentabilités économiques des technologies qui sont mises à leur disposition. Le CORAF/WECARD facilite également des centres d’incubations des jeunes dans l’agribusiness dans la sous-région. Il en est de même pour nos centres nationaux de spécialisation, amenés à évoluer en centre régionaux d’excellence dans le cadre du PPAAO, qui doivent aussi offrir un cadre d’incubation des jeunes entreprises par rapport aux technologies qu’ils génèrent.

Quelles sont les axes prioritaires d’intervention du CORAF/WECARD pour les cinq prochaines années ?

Le CORAF/WECARD en entrain de mettre en oeuvre son deuxième plan opérationnel pour la 2016-2018. Ce deuxième plan prend en compte de nouvelles questions émergentes telles que la nutrition, la dimension de l’agriculture climato-intelligence. Mais la principale ambition du CORAF/WECARD est la mise en place d’un cadre de financement durable de la recherche agricole basée sur une mobilisation de ressources endogènes. Pour les cinq prochaines années, la priorité sera accordée à l’Afrique centrale afin de renforcer la coopération avec la Communauté Economique des Etats de l’Afrique centrale. Cela permettra aux deux régions de mutualiser leurs efforts.

Partenaires